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- Entretien avec David Foenkinos, écrivain « sensible » dont la vie a basculé à l’adolescence, jusqu’à changer son regard sur le monde.
L'auteur de La Délicatesse, dramaturge, réalisateur, a publié cette année La Vie Heureuse, un succès en librairie. "La vie heureuse, c’est être libéré du jugement des autres" David Foenkinos, vous avez publié dernièrement La Vie Heureuse, roman qui caracolait en tête des ventes en ce début d’année 2024 (en numéro deux). Vous y évoquez la mise en scène à la mode coréenne de sa propre mort pour reprendre goût à la vie. Cette quête du bonheur, cette pulsion de vie, ce sont des thèmes que l’on retrouve dans tous vos livres d’une manière ou d’une autre. Pourquoi ? Au sujet de ce rituel, j’ai vu des documentaires, j’ai lu des forums coréens. Les images sont très impressionnantes et je ne voulais surtout pas que mon livre soit vécu comme un moment anxiogène. Au départ, cette mise en scène en Corée du Sud est utilisée pour soigner un mal-être. Le taux de suicide y est assez élevé et il s’agit d’une thérapie de choc que j’ai trouvée très belle. La personne est dans son cercueil, elle a rédigé une lettre d’adieu, c’est le silence autour d’elle. J’ai moi-même vécu une expérience de mort quand j’étais plus jeune, dont je parlais peu avant. Je l’ai évoquée en interview plusieurs fois ces dernières années car elle fait partie de moi, elle m’a propulsé vers une nouvelle énergie, une pulsion de vie oui, un rapport différent aux autres. " J’ai senti quelque chose en moi qui a été déverrouillé avec cette expérience de mort, à l’âge de 16 ans. Je suis resté pendant des mois à l’hôpital et j’ai lu. Lire m’a sauvé" Cette expérience de mort vous a entraîné vers une boulimie de la vie, dites-vous, et vers la volonté de chercher le beau en toutes choses. Qu’est ce qui est le plus beau à vos yeux ? C’est la sensibilité. J’ai senti quelque chose en moi qui a été déverrouillé avec cette expérience de mort, à l’âge de 16 ans. Je suis resté pendant des mois à l’hôpital et j’ai lu. Lire m’a sauvé. Et alors que je lisais, bizarrement mon regard a changé. J’ai commencé à souligner des phrases. Avant j’étais complètement hermétique à l’écriture et à la poésie. Je n’étais pas issu d’un milieu culturel et je n’étais peut-être pas formé à ça. Ce rapport à la littérature, ensuite, ne m’a plus jamais quitté et ça s’est étendu à la musique, à la peinture, aux musées. J’avais changé de point de vue. J’étais devenu sensible à la beauté. Je me suis mis à écrire des lettres, des nouvelles, j’ai développé une imagination. J’ai écrit La Délicatesse très rapidement et ça a toujours été très étrange pour moi. Je suis content d’avoir touché beaucoup de gens avec ce livre. Et en même temps je me sens étranger à toute l’ampleur que ça a pris. Quand tu vends des millions de livres ça devient très bizarre tout d’un coup. Tu te demandes ce qui t’arrive, pourquoi ça arrive. Vous avez vécu ça comme un cadeau ? Un peu, oui. Je ne veux pas prétendre que mon travail est extraordinaire. Je comprends tout à fait qu’on puisse ne pas aimer mes livres. Ce que je veux dire, c’est que j’ai un double rapport aux choses. Je me rends bien compte dans les salons par exemple, que les files d’attente sont importantes quand je dédicace mes bouquins. Et en même temps, dès que je sors, je ne me sens plus du tout connecté à ça. Je suis tout le temps avec mes enfants, je fais les courses, le ménage. Je me sens parfois un peu comme un témoin de ce qui m’arrive. Mon obsession ce sont les projets d’avenir, pas le passé, pas ce que j’ai fait. Vous avez écrit une vingtaine d’ouvrages, votre carrière a réellement décollé avec La Délicatesse en 2009, et puis vous avez obtenu le prix Renaudot pour Charlotte en 2014. Vous êtes un écrivain très apprécié des Français (et traduit également). Quels écrivains français appréciez-vous parmi vos contemporains ? Je lis beaucoup, j’ai beaucoup d’amis dans le milieu littéraire et j’apprécie mes contemporains, de Karine Tuil à Joël Dicker. Je participe souvent à des prix littéraires, j’ai été très heureux de présider le prix du Livre Inter en 2023, je suis dans le prix Flaubert, etc, j’adore ça. Et puis, en général, vers le mois de mai, je relis plutôt les auteurs que j’aime depuis toujours. Gary, Roth, Cohen, Kundera… J’ai le sentiment que les auteurs qui nous accompagnent toute notre vie sont ceux qu’on rencontre entre 15 et 20 ans. J’ai arrêté de me dire que je devais tout lire, tout connaître, je tourne autour des quelques auteurs qui me touchent vraiment, je me sens bien avec eux, comme en famille. " Albert Cohen m’a fait comprendre la possibilité humoristique de la littérature, je me souviens d’avoir pleuré de rire en lisant Belle du Seigneur. C’est inoubliable. Ça a changé ma vie. Et ça m’a inspiré" Est-ce qu’un roman a changé votre vie ? A 16 ans, j’ai lu L’insoutenable légèreté de l’être et j’ai eu l’impression qu’il me parlait sur tous les plans, aux niveaux philosophique, émotionnel, dans le rapport aux femmes… Par la suite j’ai eu la chance extraordinaire de connaître Milan Kundera, c’est une des plus belles choses que j’ai pu vivre. Albert Cohen m’a fait comprendre la possibilité humoristique de la littérature, je me souviens d’avoir pleuré de rire en lisant Belle du Seigneur. C’est inoubliable. Ça a changé ma vie. Et ça m’a inspiré. Beaucoup d’auteurs ont été très importants. Quel livre êtes-vous heureux d’avoir écrit ? Charlotte, sans hésiter. C’est huit ans de recherches, de travail, animé par une admiration sans faille pour elle, en étant désespéré qu’on l’ai tant oubliée. Je me suis dit que les lecteurs de La Délicatesse n’allaient jamais me suivre pour ce projet. Et le succès du livre s’est révélé bien au-delà des mes attentes. J’ai réussi à convaincre Audrey Tautou de revenir sur scène pour incarner Charlotte récemment au théâtre. Et toute une partie de la jeunesse s’est emparée de ce livre… ça me trouble, c’est bouleversant. Malgré les prix, malgré l’affection des lecteurs, la critique est parfois très dure avec vous. Marianne a écrit : « C’est un écrivain si doué qu’on dirait du Kev Adams ». Qu’est-ce que vous pensez de ces mots ? J’ai eu tous les prix pendant dix ans, j’avais une presse extraordinaire. La Délicatesse était le seul livre de la rentrée 2009 à se retrouver sur toutes les listes des prix littéraires. La critique était unanime. Et puis j’ai vendu des millions de livres, et là, la critique s’est un peu déchaînée. C’est normal d’être critiqué et jugé. Ça ne me pose pas de problème. Je suis un auteur très grand public, mais j’ai eu le prix Renaudot, je fais des émissions littéraires, des films qui marchent. Je ne venais de rien, j’ai eu énormément de succès. Et l’animosité vient parfois avec. Tout ce que j’attends, c’est l’honnêteté intellectuelle de ceux qui formulent ces critiques. Quand c’est le cas, ça ne me gêne pas. Par ailleurs, c’est extraordinaire d’être respecté par une grande partie de la presse littéraire, et d’avoir autant de lecteurs. Le succès, l’échec, tout peut être problématique. La vie heureuse, c’est être libéré du jugement des autres. On lit au gré des articles que vous êtes loufoque et délicieux (Le Monde), fou et mou (votre éditeur), mystique, incontournable, gentil, un oreiller doux dans un monde en bois (Europe 1), passionné, musical. Vous vous disiez vous-même instable, fatigué des autres. Comment vous décririez-vous aujourd’hui, David Foenkinos ? C ’est difficile. Il y a la part professionnelle, je m’y sens très épanoui. La vie personnelle est parfois compliquée. Mais je me sens assez apaisé, je me libère de beaucoup de choses. Je vais avoir 50 ans, et je ressens une urgence de vivre en appréciant vraiment les années qui s’annoncent. Quel est votre rapport à la langue française ? C’est au cœur de ma vie. Quand je me déplace à l’étranger, c’est très important pour moi de me dire que je représente la littérature française, la langue française. Votre mot préféré ? J’aime le mot « peut-être ». Le visuel est très important pour moi. J’aime le trait d’union de ce mot, l’indivision, les deux rives, les deux possibilités. Il y a quelque chose de l’univers du possible. Ce mot représente exactement ce qu’il décrit, visuellement. La possibilité c’est ma passion. J’ai d’ailleurs écrit Le potentiel érotique de ma femme ! Le potentiel, c’est mon tru c. Quels sont vos projets, on peut en parler ? Ah bah c’est marrant, je viens de me remettre à écrire. J’aime beaucoup l’astrologie, la numérologie. Il n’est pas exclu qu’il y ait un lien. Je vais essayer de sérieusement avancer cet été. Je travaille aussi avec mon meilleur ami, Florian Zeller, réalisateur qui vit aux États-Unis et qui a eu deux Oscars, sur un projet de série. On verra ce qui en sort. J’ai travaillé sur beaucoup de projets qui ne se sont jamais faits. Mais j’ai la chance incroyable d’être très libre, de ne pas avoir de comptes à rendre. Je n’ai plus de pression, d’angoisse, j’ai une forme de lâcher-prise assez plaisante. Je m’en rends compte… Vous êtes partout à la radio, à la télé, dans la presse écrite. Quelle question ne vous a-t-on encore jamais posée ? (Longue hésitation) Je sèche totalement…. Que ne m’a-t-on jamais demandé ? Envisagez-vous une carrière de joueur de paddel ? Voilà, je vais m’y mettre tiens, je change de carrière, un scoop pour vous ! Entretien par Mélanie LESOIF. RETROUVER L'ENSEMBLE DE NOS ENTRETIENS DANS NOTRE RUBRIQUE "PAROLE D'AUTEUR.E.S
- Samedi 2 novembre : des solitudes et des hommes - Chronique de Mathieu
Parmi d'autres solitudes - Yves Harté Editions Le Cherche Midi Chronique de Mathieu : Il n’est pas donné à tout le monde d’avoir le goût de la solitude, mais chacun d’entre nous devra y faire face dans sa vie. Je ne vais pas m’étendre sur ce court roman pour ne rien gâcher. Voici juste quelques mots qui je l’espère vous donnerons envie. L’auteur nous emmène à la rencontre de solitudes, la sienne et d’autres. Il traite les causes, les effets et la substance de celles-ci. L’écriture est grave mais jamais mélodramatique, je lui ai trouvé beaucoup de charme et de sincérité. A l’opposé de tout ce que l’on peut chercher dans un « page-turner », ce roman ténu saura séduire ceux qui préfèrent quitter la soirée à l’heure où d’autres commencent tout juste à s’amuser pour retrouver leur lecture en cours… Retrouvez nos chroniques ci-dessous
- 26 octobre 2024 - On l'a fait ! On a tout lu, tous les lauréats du Livre Inter depuis 50 ans. Le Prix des Prix Livre Inter est décerné à Jean-Baptiste Del Amo pour Règne animal.
Ils s'étaient donnés rendez-vous dans 1 an. Comme prévu, les membres du Jury du Livre Inter 2023 ont relevé leur défi fou, lire les 50 livres Inter depuis la création de ce prix et élire le Prix des Prix ! Réunis le 26 octobre 2024 à Paris, ils ont âprement débattu pour choisir le grand vainqueur parmi les 8 finalistes. Figuraient dans cette liste : La petite marchande de prose de Daniel Pennac, prix du Livre inter 1990 Sombre dimanche d'Alice Zeniter, prix du Livre Inter 2013 Jacob, Jacob de Valérie Zenatti, prix du Livre Inter 2015 7 de Tristan Garcia, prix du Livre Inter 2016 Règne animal , prix du Livre Inter 2017 Avant que j'oublie d'Anne Pauly, prix du Livre Inter 2020 Attaquer la terre et le soleil de Mathieu Belezi, prix du Livre Inter 2023 Aliène de Phoebe Hadjimarkos Clarke, prix du Livre Inter 2024 Il aura fallu 3 heures de discussions et 3 tours de scrutin très serrés pour choisir le grand lauréat de cette folle aventure, et c'est Jean-Baptiste Del Amo pour Règne animal, qui remporte le Prix avec 8 voix contre 7. Les jurés ont été subjugués par la puissance et la beauté de ce texte malgré un sujet difficile, les dérives d'une agriculture intensive au sein d'une famille dysfonctionnelle. Cécile M. ne cache pas son étonnement face à " un jeune homme capable d'écrire à la Flaubert" avec un sujet extrêmement contemporain. Bastien , pour qui ce sujet a raisonné avec sa propre histoire, a été emporté par la narration fluide s'écoulant sur presque un siècle, par cette " écriture très charnelle ". Il relève enfin la polysémie et la pertinence du titre, Règne animal ou plutôt fin d'un règne ? Delphine a ressenti très profondément la boue, la violence et a adoré cette saga familiale qu'elle qualifie de magistrale. Christian confesse sa conversion au végétarisme après la lecture ce roman qu'il a trouvé d'une très grande maitrise. Bernard se dit étourdi par la beauté de la langue magistralement maitrisée. Il souligne le fatalisme de personnages résolument attachés à la terre. Aucune échappée est possible, personne n'en ressort indemne, pas même le lecteur. Vincent , pour qui ce sujet avait tout pour le rebuter, a été saisi dès la première page et n'a plus lâché ce roman jusqu'à la dernière ligne. Ce roman est l'exemple qu'on peut faire quelque chose de magnifique avec un sujet très sombre. Il souligne enfin la réflexion que ce texte pose sur l'animalité. Pierre relève le parallèle entre l'humain et le monde animal. Une lecture qui n'est pas facile et qui se lit à hauteur de cochon ! Cécile H . a trouvé ce roman très documenté. Elle met en avant le pouvoir de la littérature à nous décrire et nous faire aimer des scènes qu'il nous serait insupportable de voir à l'écran ou dans la vie. Elle voit dans l'enfermement des personnages et ce côté résolument sombre, un message sur le déterminisme social. Pour Céline , ce roman est un tour de force qui explore l'héritage de la violence. Ce roman n'a laissé aucun juré insensible et c'est sans doute là sa plus grande force.
- Au programme du samedi 14 septembre : l'amitié indéfectible entre un homme et son chien, un fils qui reçoit des sms de sa mère décédée, et une épouse qui ne sait quoi faire du cadavre de son mari !
Son odeur après la pluie - Cédric Sapin-Defour Editions Stock Chronique de Céline : Soyons honnêtes, au départ, j'étais franchement dubitative à l'idée de lire ce roman, centré sur les 13 années de vie commune de l’auteur avec son chien. N’étant pas particulièrement fan des animaux, je craignais au mieux de passer à côté de l’histoire, au pire d’être agacée par un récit à l’eau de rose. Mais curieusement, dès les premières pages, j’ai senti que ce livre avait quelque chose qui pouvait me séduire. Et je ne me suis pas trompée. J’ai rapidement été captée par le ton et l’écriture de l’auteur. Une plume délicate, presque précieuse, qui a le mérite d’apporter de l’élégance et de la hauteur à un sujet qui, traité différemment aurait pu paraitre mièvre. Décalage accentué par le ton empreint d’autodérision de l’auteur. Il semble pleinement conscient de l’aspect un peu dérisoire que certains lecteurs pourraient trouver à son attachement quasi démesuré pour son chien. Mais il ne souhaite pas nous convertir. Il s’agit juste pour lui de raconter ce lien sincère et émouvant avec une lucidité et un regard tendre, parfois amusé. Et au fil des pages, ce qui me semblait n’être qu’un livre sur un chien et devenu bien plus : une réflexion sur la fidélité, l’amour inconditionnel, et cette capacité qu’ont les animaux à nous ramener à l’essentiel, à ce qu’il y a de plus humain en nous. Et à ma grande surprise, j’ai été émue, voire carrément attendrie par cette relation, qui ne m’est finalement pas apparue moins « estimable » qu’une autre. Alors oui, je partais avec un a priori, mais je dois avouer que ce roman a réussi à me rappeler que nos attachements les plus simples sont souvent ceux qui nous bouleversent le plus et qu’il serait dommage de s’en priver. Je ne suis certes pas devenue une amoureuse des animaux, mais j’ai beaucoup aimé ce récit qui, au fond, parle autant de l’auteur que de son fidèle compagnon. Bref, un beau roman à lire, même (et surtout) si vous n’aimez pas les chiens ! Retrouvez nos 3 nouvelles chroniques sur notre Quai des livres :
- Samedi 07 septembre : 3 nouvelles chroniques décapantes où il est question de western, d'enquêtes rock n' roll, et de célébration de l'enfance.
Western Editions Stock Chronique de Delphine : Avec son Roman « Western », suivant le plébiscité « Feu » qui abritait déjà son élan féministe, nous offre un grand roman du monde d’après. Le monde d’après COVID, d’après confinements, d’après #metoo et surtout d’après des siècles du patriarcats que les hommes ont si souvent trouvés confortable de ne pas remettre en question. Mais ça c’était avant! Quid du « Western » me direz vous? La brûlure, le Duel, le désert, les codes, tous finement repensés à l’aune du récit. La brûlure est parisienne, le duel Mixte, le désert Lotois et les codes décortiqués à leur essence. Un exercice de style à la fois judicieux et drôle qui n’alourdis jamais le romanesque. Pour l’histoire, Il y a un homme, une femme, il est englué dans sa lourdeur et son ego, elle nage dans un monde où on ne lui laisse pas sa place lestée par trop d’injonctions et d’ambitions qui ne sont pas les siens. Ils vont tenter de fuir la fatalité et le drame qui arrive. Mais est-il encore temps? Gardez un peu place dans votre valise, vous ne le regretterai pas. Retrouvez nos 3 nouvelles chroniques sur notre Quai des livres :
- Samedi 24 août, c'est la rentrée dans notre Quartier ! Et comme cadeau de reprise, non pas 2, non pas 3... mais 6 nouvelles chroniques !
https://www.quartierlivres.com/quai-des-livres La foudre - Pierric Bailly P.O.L. Chronique de Marie C'est l'histoire de Julien, ou plutôt John, berger dans le Jura durant l'été, et vivant de petits boulots le reste de l'année. Julien est en couple avec Héloïse, ils n'ont pas d'enfants, et ont pour projet de partir vivre à la Réunion. Sa vie dans les montagnes du Jura, à la fois libre et simple, va basculer quand il tombe sur un article de presse qui relate le meurtre d'un jeune homme tué à coup de planche...sauf que Julien connaît le nom du meurtrier présumé, Alexandre, avec qui il partageait le même dortoir au pensionnat de son lycée. On se laisse vite embarquer dans cette histoire, Pierric Bailly parvient à éveiller la curiosité du lecteur, avec des va et vient entre le présent et le passé de Julien, le lien qui l'unit à Alexandre, et le personnage de Nadia, la femme d'Alexandre qui est au cœur de ce roman, et qui questionne et interpelle par son positionnement et sa personnalité. Le style de l'auteur est tout en simplicité et authenticité, un style direct, parfois familier, comme si le narrateur voulait nous faire entendre la petite voix de Julien, ses pensées, ses doutes, sans fioritures. La description du Jura, des estives, de la montagne rend ce roman vivant, et par moments on a envie de rejoindre Julien avec son troupeau de bêtes. Un très bon départ, mais suivi d'une petite déception dans le dernier tiers du roman... Comme si cette tension palpable tout au long des deux premiers tiers du livre, au lieu de se résoudre par un dénouement surprenant, tombait au contraire comme un soufflé, et se perdait dans une histoire finalement trop convenue, banale, et un peu décevante. Dommage, mais j'ai toutefois apprécié cette lecture, cette histoire captivante malgré tout, qui me donne envie de lire d'autres romans de cet auteur. Retrouvez nos 5 nouvelles chroniques sur notre Quai des livres :
- And the winners are... Les 50 romans distingués du Prix du Livre Inter depuis 1975 ont été lus et débattus, voici les 8 finalistes. A la fin, il n'en restera qu'un !
Retrouvez les 50 livres Inter et le détail du 1er tour de qualification sur notre page
- Mercredi 10 juillet : 3 nouvelles chroniques - Birnam Wood d'Eléanor Catton, Python de Nathalie Azoulaï et Le convoi de Beata Umubyeyi Mairesse
https://www.quartierlivres.com/quai-des-livres Birnam Wood - Eleanor Catton Editions Buchet Chastel Chronique de Pierre Des drones au pays des kiwis Ce qui m'intéresse peut-être le plus dans la critique littéraire, c'est l'auteur de la critique lui-même. « Donne-moi à lire ta chronique et je te dirai qui tu es ». Si tel est votre cas les amis, sachez pour commencer qu’en ce deuxième jour de (grandes) vacances scolaires et de second tour d’élections législatives, je suis assez impressionné à l’idée de devoir me frotter à l’exercice. Birnam Wood est le 3ème roman de l’autrice canadienne Eleanor Catton. Les luminaires, son deuxième, lui valut le Booker Price en 2013. J'ai consulté la liste des lauréats de ce prix récompensant les romans rédigés en anglais depuis 1969 et découvert qu'un auteur avait été primé deux fois : John Maxwell Coetzee avec Michael K, sa vie, son temps (1983) et, l'un de mes romans préférés, Disgrâce (1999). Je proclamai alors sur le champ ce prix "Référence interplanétaire quoiqu'un peu en-dessous du Prix du Livre inter" et décidai hic et nunc que Birnam Wood, conseillé par ma libraire de coeur, ferait l'objet de ma première chronique. Une petite alerte s’est pourtant déclenchée lorsque j’ai saisi pour la première fois le livre et découvert sa couverture au goût douteux, mais je décidai de n’y accorder aucune importance. L’intrigue se passe en Nouvelle-Zélande à Thorndike dans le Parc National de Koroway où l’on suit trois jeunes protagonistes d’une petite association écologiste « Birnam wood » qui implante des jardins bio dans des lieux en friche pour en distribuer la production. Notre bande de joyeux idéalistes va croiser le chemin du jeune et inquiétant milliardaire Robert Lemoine, co-fondateur d’un géant américain de la tech, fabricant de drones. Il s’ensuivra une affaire de gros sous et de dissimulation dont tout le monde ne sortira pas indemne… Un thriller psychologique donc. Arrêtons là le faux suspense, si vous cherchez un livre qui alimentera votre carnet de notes, passez votre chemin ; un livre au style flamboyant, allez voir ailleurs. Si Eleanor Catton peine à trouver son style et à planter le décor, elle est plus à l’aise pour dresser le portrait psy de ses deux personnages féminins, Mira Bunting et Shelley Noakes. On peut toutefois regretter que tout soit dit plutôt que suggéré, et qu’au bout du compte, on n’en sache pas beaucoup plus sur ces jeunes appartenant à la « Gen Z ». Pire, volontairement ou pas, l’autrice décrédibilise une génération qui serait prête à s’asseoir sur ses idéaux pour un pad thaï et un zeste de LSD ! Pour finir et n’oublier personne, je pense aux honorables lecteurs de transat, amateurs de romans-détente, qui trouveront avec Birnam Wood un thriller agréable et académique dont la fin risque malheureusement de les laisser sur leur faim. J’espère qu’à l’occasion de sa deuxième chronique, votre serviteur vous apparaîtra sous un jour beaucoup plus enthousiaste. En attendant je vous souhaite, amis lecteurs, des vacances riches de merveilleuses découvertes littéraires !
- Samedi 29 juin : 2 nouvelles chroniques - Kaddour de Rachida Brakni et La petite marchande de prose de Daniel Pennac
KADDOUR - Rachida BRAKNI Editions Stock Chronique de Sandra S. D’une fille à son père. Comme Colette quand elle écrit « Sido ». Qui peut lire Sido sans être à jamais imprégné de l’amour de Colette pour sa mère adorée ?Ici, donc, c’est pour un père. Ce n’est pas pour qu’il le sache, d’abord parce que maintenant qu’il dort sous la terre de Tipaza, un figuier à ses pieds, que pourrait-il y lire qu’il ne savait déjà, lui qui ne savait pas lire en plus. C’est aux yeux du monde, raconter cet homme, cet époux et ce père, toute la grandeur et les misères et la richesse et la magnificence de la vie de cet homme, travailleur immigré en France, de ce genre de travail qui vous arrache des doigts et vous brise les os et sans doute bien plus que ça. Aux yeux du monde, aux yeux de ce pays qui s’apprête à élire bientôt l’extrême droite, ce pays qui accepte, voire encourage le mépris envers les gens comme Kaddour Brakni. Dont une des filles a appartenu à la comédie française, jouait Victor Hugo, et est une des plus grandes actrices françaises. Un homme tranquille, tourmenté, secret, aimant qui à la naissance d’un de ses petits-fils pleure de joie et dit à sa fille pour l’arrivée de la petite sœur quelques années plus tard : « une fille, c’est toujours bien une fille, j’espère qu’elle sera comme toi ». Ce père, Rachida Brakni lui a écrit le plus beau des linceuls, le plus solide et le plus doux des linceuls, pour que la terre lui soit légère et pour que les mots d’une fille française qui a tant servi la langue de ce pays, rendent justice et célèbrent ses parents algériens.
- La critique est divisée chez Quartier Livres. Découvrez notre 1ère BATTLE
HUMUS - Gaspard KOENIG Editions L'Observatoire Regards croisés entre Cécile et Mathieu Mathieu a aimé... Humus a été beaucoup lu par les membres de Quartier Livres et diversement apprécié, nous avons donc choisi de lui accorder un traitement spécial. J’ai pour ma part beaucoup apprécié ce roman. L’auteur est essayiste et philosophe, cela infuse clairement Humus, ce qui s’avère pour moi un vrai plus. Au-delà de l’histoire vous trouverez un point de vu pertinent sur la contre-culture, le capitalisme et l’agriculture. L’auteur très érudit ne semble pas pour autant prendre le lecteur de haut, il sème des graines qui pourraient si vous le souhaitez, vous emmener dans des lectures foisonnantes sur les thèmes abordés mais ne laisse pas de côté le lecteur qui souhaitera une lecture plus légère avec ses deux sympathiques bien qu’un peu naïfs personnages principaux. Les quelques 400 pages se lisent vite malgré la tenue du roman, ce pourrait faire un très bon roman de vacances à lire sur la plage, le sable évitera la crise d’angoisse si vous n’êtes pas très sensible au charme discret des vers de terre. Ne vous laissez d’ailleurs pas décourager par cette thématique qui peut laisser beaucoup d’entre nous indifférents, on peut apprécier le roman sans se passionner pour le vermicompostage cher aux personnages. Pour être tout à fait transparent, j’ai quelques réserves sur l’humour du roman et le manque d’épaisseur des personnages féminins (pas très 2024…), mais ça n’a pas du tout gâché mon plaisir. Je recommanderais ce roman, ne serait-ce que pour le plaisir de toutes les conversations qu’il fera naitre avec vos amis lecteurs! Cécile un peu moins... Le destin des deux amis devient alors le plaidoyer de l’auteur contre un système de production intensif destructeur de l’environnement, contre le mépris de classe, contre les grandes écoles et leur novlangue déconnectée, contre l’entre soi, contre la finance et le cynisme des investisseurs, contre des gouvernants égocentrés, bref contre tout ce qui ne va pas dans le monde. Un plaidoyer grossièrement argumenté qui m’a vite agacé tellement il est pollué par la succession de clichés sur les pauvres qui veulent devenir riches mais sans en avoir l’air, les riches qui veulent devenir pauvres et estiment qu’ils ont bien droit au RSA s’ils vont sauver la planète, les chefs d’entreprise convertis au green washing … et j’en passe. J’ai trouvé les personnages stéréotypés – Kevin tellement détaché des biens de ce monde que même millionnaire il ne possède qu’un sac de couchage - froids, sans âmes, embarqués dans des situations caricaturales et peu crédibles – qu’il s’agisse du séjour dans la Silicon Valley ou de l’épisode final de l’insurrection simplement grotesque. Les personnages ne deviennent que des pantins influençables. On ne saura presque rien des hauts et des bas de leur amitié, sauf à la toute fin du roman. Même si les notes d’humour et le second degré sont bienvenus - vous croiserez Thomas Pesquet qui en prend pour son grade et l’auteur lui-même dans le rôle d’un essayiste mondain - elles ne sauvent pas le roman. Le récit hésite trop souvent entre la fable utopique et le réalisme et ne parvient pas à me convaincre.
- Mercredi, 2 nouvelles chroniques ! L'écharde de Paul Wenz et La gosse de Nadia Daam
La Gosse - Nadia Daam Editions Grasset Chronique de Mélanie Lesoif O n a tous ces moments-là. Bof, pas très envie de bouquiner. Quand on vient d’enchaîner trois ou quatre déceptions littéraires à vingt balles l’unité, quand on traîne la patte pour finir le dernier Martin-Lugand qu’on attendait pourtant avec appétit. Désabusés. Même pas envie de parcourir les étagères pour dénicher un classique qu’on a aimé. Puis un matin, au café, la collègue dit : il faut abso-lu-ment que je te prête le dernier Nadia Daam. Qui ? Mouais si tu veux. Le ciel est bas, gris. Même mai ne tient pas ses promesses. Bof. Mais ok. La collègue tient parole et ramène le livre dans sa besace l’après-midi-même. « Tu verras, je l’ai lu en deux soirs. Ça se dévore comme un bonbon », qu’elle glousse. Un rapide regard sur la couverture me fait soupirer. Vraiment bof. Le soir quand même, je l’ai ouvert, pas curiosité. Sans grand intérêt. Et puis je ne l’ai pas refermé. Nadia Daam, je ne la connaissais pas. Elle m’a pourtant parlé comme si on avait grandi ensemble. Comme si on était devenues mères en même temps, et qu’on avait échangé sur nos culpabilités, nos doutes, nos incompétences et nos fiertés de mamans depuis quinze ans. Comme si son ado de fille était la mienne. Son amour fou pour cet enfant, qui jadis avait poussé « un soupir adorable à en crever » et qui désormais se pavane devant le miroir sans complexe avec ses copines, est ce qui détermine le reste. Essentiel. Ça sonne juste, ça tonne fort, ça résonne longtemps après la lecture. C’est une mère universelle, Nadia Daam. Une écrivaine de talent, qui touche en plein cœur et qui fait rire dans la même page. Son analyse affûtée de la féminité adolescente en 2024, la description de sa propre jeunesse sans voile et sans indulgence, sa perception de l’évolution des mœurs avec un regard vif, positif, enthousiaste mais jamais mielleux, et inquiet tout à la fois, est d’une finesse rare. La manière dont apparaît, entre les lignes, la conscience aiguë de ses propres contradictions est un délice. Ces livres-là, ceux qu’on ne referme pas, qui nous suivent longtemps grâce aux réflexions qu’ils distillent, sont ceux qui nous relancent la machine en deux coups de cuillères à pot. Depuis j’ai retrouvé ma boulimie. Il ne fait toujours pas beau, mais je relis. Mélanie LESOIF
- Samedi, c'est sorties ! Retrouvez nos 3 nouvelles chroniques sur notre quai des livres.
DU MEME BOIS - Marion FAYOLLE Editions Gallimard Chronique de Cécile M. Marion Fayolle dessine. Marion Fayolle écrit. Un premier roman. De la même manière que ceux qui l’ont quittée font « rentrer la ferme dans des glacières, en petits morceaux », Marion Fayolle la fait rentrer dans un roman de quinze courts chapitres. La ferme, ceux qui l’ont quittée la gardent dans leurs souvenirs. Voilà que Marion Fayolle la garde dans un livre. Elle fait remonter à la surface « ceux d’avant [qui] dorment encore dans les sillons de sa peau ». Elle habille les souvenirs « pour que ça soit écrit quelque part, [leur] existence ». Il y a la mémoire du pépé qui s’efface comme un paysage sous la neige, la folie de l’un, le dévouement de l’autre, la vie des bêtes avant celle des hommes, vêlage et enfantement se superposent. C’est l’histoire d’une transmission qui ne se fera pas. Personne ne reprendra la ferme familiale. Mais l’héritage se tient ailleurs, dans un paysage ardéchois qui marque et un patrimoine génétique. La gamine que l’on suit à travers différents âges de la vie s’en empare avec la volonté de décaper les souvenirs comme la mémé, le caveau de famille. Ainsi, l’histoire continue avec les mots sensibles lucides et poétiques de la jeune autrice. On retrouve dans son texte la finesse l’humour et la poésie de ses dessins. Vous pourrez visiter l’univers de Marion Fayolle au Centre Pompidou, dans une exposition-atelier « Tenir tête » qui se tiendra dans la Galerie des enfants, niveau 1, du 29 mai 2024 au 6 janvier 2025.