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  • Samedi 7 décembre : Voyage, voyage... dans l'espace - Chronique de Vincent

    La tragédie de l'orque - Pierre Raufast - Ed. Aux forges de vulcain La tragédie de l'orque - Pierre Raufast Editions Aux forges de vulcain Chronique de Vincent : Il y a des auteurs que vous êtes prêt à suivre presque les yeux fermés, même lorsqu’ils font un pas de côté pour changer radicalement de genre littéraire. Pierre Raufast fait partie de ces écrivains-là. Habitué à ses fantaisies dans des romans gigognes jubilatoires ayant souvent pour cadre la campagnarde vallée de Chantebrie, j’ai été surpris d’être transporté d’un coup à des millions d’années-lumière de la Terre à bord de vaisseaux spatiaux appelés les ORCA dans un roman dit « Hard-SF », terme que je connaissais d’autant moins que la Science-Fiction n’est franchement pas ma tasse de thé. Mais après tout la définition de la gravitation est l’attraction de 2 corps opposés, alors banco, je me suis pris au jeu faisant confiance à mon admiration pour Pierre Raufast. D’abord dérouté par des termes et des explications scientifiques, j’ai essayé de trouver dans ce 1er tome d’une trilogie nommée Baryonique, du second degré, peut-être même une satire des développements technologiques illimités et de l’exploration de nouvelles formes de vie. Certains passages comme l’évènement déclencheur de la tragédie éponyme, le foisonnement de néologismes inhérents au changement de siècle ou encore les allusions de l’auteur à ses romans précédents, m’invitaient à croire à des péripéties fantaisistes et drôles. En réalité, et selon les dires mêmes de l’auteur, il s’agit là d’un roman tout à fait sérieux dans lequel je suis rentré petit à petit en saisissant l’ensemble des enjeux écologiques, technologiques, politiques liés à la conquête spatiale ; et en m’attachant aux personnages bien campés et qui représentent, souvent sous forme de binômes, chacun de ces enjeux. La force de ce roman est de se situer à la juste limite du pur SF et de ne pas nous laisser errer dans des méandres scientifiques imbuvables. La construction du roman qui alterne les chapitres entre la Terre, les ORCAs, et un autre potentiel espace-temps qu’il convient de ne pas divulguer pour l’instant, titille l’intérêt du lecteur. Le déroulement d’une intrigue sur la Terre permet d’ailleurs de se raccrocher au réel. L’introduction de différents points de vue donne aussi de la profondeur à ce roman, à l’image des Bernanos, groupe qui dénonce les dérives des progrès de la robotique, opposés à ceux qui voient dans la recherche scientifique et le minage de l’espace le moyen de résoudre les problèmes écologiques et de survie de notre espèce. Enfin, la qualité du roman est de rendre cet univers de 2170 non seulement plausible mais surtout optimiste. Au point de me donner finalement l’envie de lire d’autres romans du genre, chose qui n’était pas gagnée, et l’envie de poursuivre cette trilogie. Découvrez notre entretien avec Pierre Raufast Retrouvez nos chroniques ci-dessous

  • Entretien avec Pierre Raufast, écrivain passionnant et audacieux dont les histoires insolites nous invitent à réfléchir.

    L'auteur de La fractale des raviolis a publié cette année le 3ème tome de la trilogie baryonique, Le Dôme de la méduse ,  Aux Forges de Vulcain .  "J’aime jouer avec le lecteur, mêler informations vraisemblables et improbables" VS : Dès La fractale des raviolis , vous vous êtes démarqué pour votre talent à tirer des histoires insolites à partir d’anecdotes extraordinaires. Votre inventivité se ressent jusque dans votre style avec plusieurs types de narrations. L'incursion que vous faites dans la SF, est-ce un souhait de rompre avec ce style ou un moyen de nous surprendre encore ?      PR : C’était avant tout un souhait de changer de structure et de rythme. J’aime réfléchir à la manière de raconter une histoire, et cette approche m’a permis de me démarquer, surtout en débutant à 40 ans. Quand j’ai commencé à écrire, mon 1er roman faisait 3 pages. J’ai du mal avec les descriptions, je suis plutôt très synthétique et donc le format « nouvelles » me convenait mieux. Sauf que les nouvelles, en France, ça ne se vend pas bien. J’ai donc réfléchi à une astuce de structure permettant de transformer des nouvelles en roman. C’est la naissance de La Fractale des raviolis , avec cette structure en poupée russe qui maintient le suspense et pousse à lire chapitre après chapitre. Avec le temps, j’ai exploré d’autres structures, comme dans La variante chilienne , qui fonctionne comme des cailloux qu’on prend dans un bocal. Chaque caillou est une histoire. Et ainsi de suite avec Habemus Piratam et Les Embrouillaminis avec une structure plus complexe. Passer à la science-fiction m’a permis de renouveler le lieu, le temps, et d’adopter un style inspiré des séries télé avec des scènes qui alternent régulièrement pour donner du rythme et du suspense. Je voulais aussi un ton un peu plus sérieux en évitant les clichés, comme l’humour forcé des marvels. En général, quand je réfléchis à un thème, comme tout le monde, j'ai les 3 premières idées. Eh bien en fait, je les enlève car si je les ai eu en moins de 3 secondes, c'est que ce ne sont pas les bonnes, tout le monde aurait pu les avoir. Je regarde beaucoup de films et lis pas mal de romans qui m’aident en réalité à trouver les contre-exemples pour être original.  J’écris ce que j’aimerais lire : des histoires insolites qui invitent à réfléchir. Enfin, écrire de la SF est un truc assez excitant parce que ça s’inscrit dans un horizon plus lointain dans le temps, il faut inventer des univers, c’est challengeant intellectuellement. ​ "En général, quand je réfléchis à un thème, j'ai les 3 premières idées. Eh bien en fait, je les enlève car si je les ai eu en moins de 3 secondes, c'est que ce ne sont pas les bonnes" ​ VS : Comment votre trilogie baryonique a-t-elle été reçue par les lecteurs de SF ? Était-ce risqué ?   PR : La SF a ses codes et ses institutions, ce qui a rendu l’accueil varié. Certains ont apprécié l’approche philosophique et ont vu des idées neuves, d’autres moins. Mais je prends ces risques avec plaisir, car je n’écris pas pour vivre de ma plume. Cela me permet d’explorer librement de nouveaux domaines, comme la SF.   VS : Dans La trilogie baryonique, il y a clairement 3 cycles avec 3 tons différents. Le 1er pose le dispositif scientifique, l’intrigue, avec un côté tragique. Le 2ème, c’est la quête avec un côté polar, un « whodunit » à la Agatha Christie. Le 3ème, c’est l’espoir avec en toile de fond la question éthique. Qu’est-ce que vous voudriez que l’on retienne finalement de cette trilogie ?   PR : Je veux susciter des réflexions, notamment sur la panspermie [1] , un sujet fascinant et peu abordé. Il soulève des questions intéressantes sur l’origine de la vie sur Terre et le devenir de l’humanité. Mes livres offrent plusieurs niveaux de lecture : une histoire captivante avec un peu de suspense et des faits scientifiques plausibles et, pour les curieux, des pistes à explorer. L’épisode de la bière au début est un bon exemple. On peut le lire comme une anecdote un peu drôle mais derrière il y a une vraie question sur la naissance de la vie. (Les 2 personnages dégustent une bière et plaisantent sur le fait qu’une bière n’a jamais été bue aussi loin de la Terre. Le fait scientifique derrière cette anecdote, est que la bière, de par l’un des ses composants chimiques universels, les levures, est un marqueur de l’humanité et qu’il pourrait donc être le signe d’une existence extraterrestre).   VS : Votre imaginaire bluffant rappelle celui de Daniel Wallace ( Big Fish ). Comment concevez-vous cet équilibre entre fiction et réalité ? Autrement dit, vous êtes combien dans votre tête ?   PR : J’aime jouer avec le lecteur, mêler informations vraisemblables et improbables pour flouter la frontière entre vrai et faux. C’est un jeu littéraire stimulant.   VS : Vos romans offrent une expérience participative, culminant avec Les embrouillaminis , puisque le lecteur choisit les chapitres.  Peut-on aller encore plus loin ?   PR : Peut-être avec de la méta-littérature. Dans tous mes romans qui se passent dans la vallée de Chantebrie, je fais référence aux romans passés ou futurs aussi. En fait, j’écris mes romans en biseau. Il faut environ 3 ans pour écrire un roman avec les périodes de relecture. Si vous regardez bien, j’en sors un tous les 18 mois, ce qui signifie qu’il y a des périodes de recoupements. Cela me permet de faire des allusions ou de faire revenir des personnages. Ça veut dire qu’en fait il y a une histoire qui se raconte au-dessus de l’histoire. L’idée, peut-être, pour aller plus loin, serait de former l’histoire de cette vallée couvrant un siècle, en reliant les intrigues et les personnages.   ​VS : Pour reprendre l’image scientifique d’un atome composé de masses qui s’attirent et se repoussent, on va toujours très loin dans vos romans : les espaces sont très étirés, les possibilités d’histoires multiples, et les personnages très opposés. Et finalement tout se rapproche avec un rapport Infini et proximité. Dans un de vos romans, vous citez JL Borges, qui imagine une bibliothèque infinie où seraient rangés tous les livres, pensez-vous qu’il puisse y avoir un infini roman qui « rangerait » toutes les histoires, tous les personnages ?   PR : Oui, c’est ça, c’est l’idée de voir les livres comme des zooms, comme dans la nuit avec une lampe de poche qui éclaire différents endroits et la journée, on verrait l’ensemble du paysage. Il y a forcément un imaginaire sous-jacent qui régit tout et par exemple, pour mes romans, le fait de les avoir ancré dans une géographie récurrente favorise les ponts possibles entre les histoires et les personnages.   VS : Vos récits explorent destin et choix. Qualifieriez-vous vos romans d’existentiels ? Autrement dit, pensez-vous que nos vies sont prédéterminées ou façonnées par nos décisions ?   PR : Je me suis beaucoup posé cette question. Elle renvoie à la théorie du chaos qui comporte 2 grandes idées. Une des idées est qu’un battement d'aile de papillon au Japon entraîne un ouragan aux États-Unis, et que donc des microphénomènes peuvent déclencher des conséquences par effet boule de neige. Mais l’idée principale de cette théorie est de dire qu’il y a des attracteurs. Quel que soit l’endroit où nait un événement, il converge toujours vers une même chose. Prenez une avalanche. Qu’elle soit déclenchée par le sapin de droite ou de gauche, finalement elle arrivera toujours au pied du chalet. Si on fait le parallèle avec nos vies, je pense qu’il y a des attracteurs. Le 1er, c’est la mort. Il faut voir ça comme des portes de ski en slalom. Entre 2 portes, le skieur fait ce qu’il veut mais il passera toujours par la porte. Après l’enfance vient toujours l’adolescence. Et ensuite, on va vouloir vivre en couple, avoir le désir d’enfant… et ainsi de suite, la crise de la quarantaine, le divorce… Voilà, tout ça, ce sont des attracteurs. Tout le monde n’y va pas, mais globalement, tout le monde converge vers ses propres attracteurs. On peut connaitre des variations, mais on converge vers ce qui est propre à nous. J’aurais pu avoir une femme et des enfants différents mais je me serai quand même marié et j’aurai eu des enfants. Nos vies, au bout du compte, ne sont pas foncièrement bouleversées. Je crois beaucoup à ça. La seule chose qui peut changer, ce sont les décisions que l’on prend, mais en réalité, les décisions que l’on prend dans une vie se comptent sur les doigts d’une main.   VS : Vous êtes décrit comme un écrivain atypique et original. Les mots « loufoques », « jubilatoire », reviennent souvent. Comment recevez-vous ces qualificatifs ?   PR : Cela me flatte, car je recherche l’originalité, mais l’atypique reste une interprétation et ce n’est pas un jugement universel. J’accepte les critiques et reste conscient que tout le monde ne partage pas cet avis. Je m’aperçois que la diversité est dans le monde.   VS : Vous travaillez dans la cyber sécurité, vous donnez du temps à des passions comme l’informatique quantique, vous êtes romancier avec un travail préparatoire important, vous entretenez un blog avec des projets comme l’analyse de romans, vous avez aussi une vie privée. Pierre Raufast, vos recherches scientifiques vous ont-elles permises de trouver la formule pour suspendre le temps ? Plus sérieusement, comment gérez-vous votre temps ?   PR : Quand j’ai commencé à écrire, je ne me projetai pas sur une carrière d’écrivain. J’ai eu la chance que La Fractale des Raviolis marche et c’est parti comme ça. L’écriture est devenue un passe-temps et un besoin physique comme quelqu’un qui fait de la course à pied ou qui joue d’un instrument de musique. Ça ne prend pas plus de temps pour écrire. La journée, je travaille. J’écris principalement le soir et le week-end, et je prends parfois des jours de congé pour me consacrer à l’écriture. Ce qui m’aide, c’est que j’ai une approche très analytique et structurée de l’écriture.   "La diversité est dans le monde" ​ VS : Pouvez-vous m’en dire plus ?   PR : J’écris d’abord un synopsis très détaillé de chaque chapitre avant de rédiger. Par exemple, j’écris 3, 4 lignes pour chaque chapitre. Ça me permet de savoir exactement ce que je dois écrire. Il ne faut pas se louper car c’est là où je raconte l’histoire en fait. Ça demande beaucoup de boulot et de transpiration. En général, je fais ça pendant les vacances pour m’y consacrer toute la journée. Je dirais que ça représente 70% du boulot. Ensuite, je prends des plages de 2h et je commence à rédiger. Je déroule car je sais où je vais, 3 lignes deviennent 3 pages. Ce qui est très important, c’est de dissocier la créativité de la rédaction.   VS : Vous avez publié votre 1er roman, La fractale des raviolis , en 2014. 10 années et 9 romans plus tard, quel regard portez-vous sur votre parcours d’écrivain ?   PR : C’est passé très vite. C’est marrant car je me souviens très bien de chaque roman et de l’état d’esprit dans lequel je les ai écrits. Je suis fier de mes œuvres, chacune représente un investissement personnel. J’ai appris énormément au fil des années et j’ai hâte de continuer à explorer de nouveaux horizons littéraires.   VS : J’ai lu que c’était à force de lire des histoires à vos filles que vous avez commencé à inventer et à écrire, mais comment avez-vous réussi à franchir le pas, y a-t-il eu un déclic ?   PR : L’envie et le plaisir d’écrire. Quand on débute, il est difficile de savoir si ce qu’on écrit est bien ou pas. Je me suis lancé avec des concours de nouvelles. Systématiquement, mes nouvelles étaient classées dans le top 3. Ça m’a aidé à prendre conscience que mes histoires pouvaient avoir de l’intérêt. Comme les nouvelles, ça ne marche pas vraiment en France, j’ai essayé de trouver une recette pour les transformer en romans. C’est comme ça qu’est née La fractale des raviolis .   VS : Dans vos romans, à l’image de vos titres, les mots sont choisis, précis. Quel est votre mot préféré de la langue française ?   PR : « Embrouillaminis » parce qu’il est rigolo.   VS: Vous êtes régulièrement dans des rencontres littéraires, des salons, vous vous montrez très disponible (je vous remercie encore d’avoir accepté notre entretien), quelle question ne vous a-t-on jamais posée ?   PR : On me demande souvent quelles sont mes influences littéraires mais jamais les influences provenant d’autres formes d’art, comme la BD par exemple. La BD permet de se créer tout un imaginaire. Ce que j’adore en BD, comme Garfield par exemple, c’est qu’avec 4 blagues récurrentes, l’auteur fait des milliers de gag. La BD est d’une richesse créative incroyable. Je suis très admiratif de cet art.      [1] Théorie selon laquelle les premiers germes de la vie seraient venus sur la planète, à travers les espaces sidéraux, d’autres mondes où la vie existait déjà antérieurement. ​ Les quelques recommandations de Pierre Raufast glanées lors notre entretien : Le vieux marin de Jorge Amado  Klara et le soleil de Kazuo Ishiguro 100 ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez L’anatomie du scénario de John Truby Le guide du scénariste de Christopher Vogler​ Garfied de James Davis Entretien mené par Vincent SOUVERAIN RETROUVER L'ENSEMBLE DE NOS ENTRETIENS DANS NOTRE RUBRIQUE "PAROLE D'AUTEUR.E.S

  • Entretien avec David Foenkinos, écrivain « sensible » dont la vie a basculé à l’adolescence, jusqu’à changer son regard sur le monde.

    L'auteur de La Délicatesse, dramaturge, réalisateur, a publié cette année La Vie Heureuse, un succès en librairie. "La vie heureuse, c’est être libéré du jugement des autres" ​ David Foenkinos, vous avez publié dernièrement La Vie Heureuse, roman qui caracolait en tête des ventes en ce début d’année 2024 (en numéro deux). Vous y évoquez la mise en scène à la mode coréenne de sa propre mort pour reprendre goût à la vie. Cette quête du bonheur, cette pulsion de vie, ce sont des thèmes que l’on retrouve dans tous vos livres d’une manière ou d’une autre. Pourquoi ? ​ Au sujet de ce rituel, j’ai vu des documentaires, j’ai lu des forums coréens. Les images sont très impressionnantes et je ne voulais surtout pas que mon livre soit vécu comme un moment anxiogène. Au départ, cette mise en scène en Corée du Sud est utilisée pour soigner un mal-être. Le taux de suicide y est assez élevé et il s’agit d’une thérapie de choc que j’ai trouvée très belle. La personne est dans son cercueil, elle a rédigé une lettre d’adieu, c’est le silence autour d’elle. J’ai moi-même vécu une expérience de mort quand j’étais plus jeune, dont je parlais peu avant. Je l’ai évoquée en interview plusieurs fois ces dernières années car elle fait partie de moi, elle m’a propulsé vers une nouvelle énergie, une pulsion de vie oui, un rapport différent aux autres.   ​ "  J’ai senti quelque chose en moi qui a été déverrouillé avec cette expérience de mort, à l’âge de 16 ans. Je suis resté pendant des mois à l’hôpital et j’ai lu. Lire m’a sauvé" ​ ​ Cette expérience de mort vous a entraîné vers une boulimie de la vie, dites-vous, et vers la volonté de chercher le beau en toutes choses. Qu’est ce qui est le plus beau à vos yeux ? ​ C’est la sensibilité. J’ai senti quelque chose en moi qui a été déverrouillé avec cette expérience de mort, à l’âge de 16 ans. Je suis resté pendant des mois à l’hôpital et j’ai lu. Lire m’a sauvé. Et alors que je lisais, bizarrement mon regard a changé. J’ai commencé à souligner des phrases. Avant j’étais complètement hermétique à l’écriture et à la poésie. Je n’étais pas issu d’un milieu culturel et je n’étais peut-être pas formé à ça. Ce rapport à la littérature, ensuite, ne m’a plus jamais quitté et ça s’est étendu à la musique, à la peinture, aux musées. J’avais changé de point de vue. J’étais devenu sensible à la beauté. Je me suis mis à écrire des lettres, des nouvelles, j’ai développé une imagination. J’ai écrit La Délicatesse très rapidement et ça a toujours été très étrange pour moi. Je suis content d’avoir touché beaucoup de gens avec ce livre. Et en même temps je me sens étranger à toute l’ampleur que ça a pris. Quand tu vends des millions de livres ça devient très bizarre tout d’un coup. Tu te demandes ce qui t’arrive, pourquoi ça arrive.   Vous avez vécu ça comme un cadeau ? ​ Un peu, oui. Je ne veux pas prétendre que mon travail est extraordinaire. Je comprends tout à fait qu’on puisse ne pas aimer mes livres. Ce que je veux dire, c’est que j’ai un double rapport aux choses. Je me rends bien compte dans les salons par exemple, que les files d’attente sont importantes quand je dédicace mes bouquins. Et en même temps, dès que je sors, je ne me sens plus du tout connecté à ça. Je suis tout le temps avec mes enfants, je fais les courses, le ménage. Je me sens parfois un peu comme un témoin de ce qui m’arrive. Mon obsession ce sont les projets d’avenir, pas le passé, pas ce que j’ai fait.   Vous avez écrit une vingtaine d’ouvrages, votre carrière a réellement décollé avec La Délicatesse en 2009, et puis vous avez obtenu le prix Renaudot pour Charlotte en 2014. Vous êtes un écrivain très apprécié des Français (et traduit également). Quels écrivains français appréciez-vous parmi vos contemporains ? ​ Je lis beaucoup, j’ai beaucoup d’amis dans le milieu littéraire et j’apprécie mes contemporains, de Karine Tuil à Joël Dicker. Je participe souvent à des prix littéraires, j’ai été très heureux de présider le prix du Livre Inter en 2023, je suis dans le prix Flaubert, etc, j’adore ça. Et puis, en général, vers le mois de mai, je relis plutôt les auteurs que j’aime depuis toujours. Gary, Roth, Cohen, Kundera… J’ai le sentiment que les auteurs qui nous accompagnent toute notre vie sont ceux qu’on rencontre entre 15 et 20 ans. J’ai arrêté de me dire que je devais tout lire, tout connaître, je tourne autour des quelques auteurs qui me touchent vraiment, je me sens bien avec eux, comme en famille.   " Albert Cohen m’a fait comprendre la possibilité humoristique de la littérature, je me souviens d’avoir pleuré de rire en lisant Belle du Seigneur. C’est inoubliable. Ça a changé ma vie. Et ça m’a inspiré" ​ Est-ce qu’un roman a changé votre vie ? ​ A 16 ans, j’ai lu L’insoutenable légèreté de l’être et j’ai eu l’impression qu’il me parlait sur tous les plans, aux niveaux philosophique, émotionnel, dans le rapport aux femmes… Par la suite j’ai eu la chance extraordinaire de connaître Milan Kundera, c’est une des plus belles choses que j’ai pu vivre. Albert Cohen m’a fait comprendre la possibilité humoristique de la littérature, je me souviens d’avoir pleuré de rire en lisant Belle du Seigneur. C’est inoubliable. Ça a changé ma vie. Et ça m’a inspiré. Beaucoup d’auteurs ont été très importants.   Quel livre êtes-vous heureux d’avoir écrit ? ​ Charlotte, sans hésiter. C’est huit ans de recherches, de travail, animé par une admiration sans faille pour elle, en étant désespéré qu’on l’ai tant oubliée. Je me suis dit que les lecteurs de La Délicatesse n’allaient jamais me suivre pour ce projet. Et le succès du livre s’est révélé bien au-delà des mes attentes. J’ai réussi à convaincre Audrey Tautou de revenir sur scène pour incarner Charlotte récemment au théâtre. Et toute une partie de la jeunesse s’est emparée de ce livre… ça me trouble, c’est bouleversant.   Malgré les prix, malgré l’affection des lecteurs, la critique est parfois très dure avec vous. Marianne a écrit : « C’est un écrivain si doué qu’on dirait du Kev Adams ». Qu’est-ce que vous pensez de ces mots ? ​ J’ai eu tous les prix pendant dix ans, j’avais une presse extraordinaire. La Délicatesse était le seul livre de la rentrée 2009 à se retrouver sur toutes les listes des prix littéraires. La critique était unanime. Et puis j’ai vendu des millions de livres, et là, la critique s’est un peu déchaînée. C’est normal d’être critiqué et jugé. Ça ne me pose pas de problème. Je suis un auteur très grand public, mais j’ai eu le prix Renaudot, je fais des émissions littéraires, des films qui marchent. Je ne venais de rien, j’ai eu énormément de succès. Et l’animosité vient parfois avec. Tout ce que j’attends, c’est l’honnêteté intellectuelle de ceux qui formulent ces critiques. Quand c’est le cas, ça ne me gêne pas. Par ailleurs, c’est extraordinaire d’être respecté par une grande partie de la presse littéraire, et d’avoir autant de lecteurs. Le succès, l’échec, tout peut être problématique. La vie heureuse, c’est être libéré du jugement des autres.   On lit au gré des articles que vous êtes loufoque et délicieux (Le Monde), fou et mou (votre éditeur), mystique, incontournable, gentil, un oreiller doux dans un monde en bois (Europe 1), passionné, musical. Vous vous disiez vous-même instable, fatigué des autres. Comment vous décririez-vous aujourd’hui, David Foenkinos ? ​ C ’est difficile. Il y a la part professionnelle, je m’y sens très épanoui. La vie personnelle est parfois compliquée. Mais je me sens assez apaisé, je me libère de beaucoup de choses. Je vais avoir 50 ans, et je ressens une urgence de vivre en appréciant vraiment les années qui s’annoncent.   Quel est votre rapport à la langue française ? ​ C’est au cœur de ma vie. Quand je me déplace à l’étranger, c’est très important pour moi de me dire que je représente la littérature française, la langue française.   Votre mot préféré ? ​ J’aime le mot « peut-être ». Le visuel est très important pour moi. J’aime le trait d’union de ce mot, l’indivision, les deux rives, les deux possibilités. Il y a quelque chose de l’univers du possible. Ce mot représente exactement ce qu’il décrit, visuellement. La possibilité c’est ma passion. J’ai d’ailleurs écrit Le potentiel érotique de ma femme ! Le potentiel, c’est mon tru c.   Quels sont vos projets, on peut en parler ? ​ Ah bah c’est marrant, je viens de me remettre à écrire. J’aime beaucoup l’astrologie, la numérologie. Il n’est pas exclu qu’il y ait un lien. Je vais essayer de sérieusement avancer cet été. Je travaille aussi avec mon meilleur ami, Florian Zeller, réalisateur qui vit aux États-Unis et qui a eu deux Oscars, sur un projet de série. On verra ce qui en sort. J’ai travaillé sur beaucoup de projets qui ne se sont jamais faits. Mais j’ai la chance incroyable d’être très libre, de ne pas avoir de comptes à rendre. Je n’ai plus de pression, d’angoisse, j’ai une forme de lâcher-prise assez plaisante. Je m’en rends compte…   Vous êtes partout à la radio, à la télé, dans la presse écrite. Quelle question ne vous a-t-on encore jamais posée ? ​ (Longue hésitation) Je sèche totalement…. Que ne m’a-t-on jamais demandé ? Envisagez-vous une carrière de joueur de paddel ? Voilà, je vais m’y mettre tiens, je change de carrière, un scoop pour vous ! Entretien par Mélanie LESOIF. RETROUVER L'ENSEMBLE DE NOS ENTRETIENS DANS NOTRE RUBRIQUE "PAROLE D'AUTEUR.E.S

  • Samedi 2 novembre : des solitudes et des hommes - Chronique de Mathieu

    Parmi d'autres solitudes - Yves Harté Editions Le Cherche Midi Chronique de Mathieu : Il n’est pas donné à tout le monde d’avoir le goût de la solitude, mais chacun d’entre nous devra y faire face dans sa vie. Je ne vais pas m’étendre sur ce court roman pour ne rien gâcher. Voici juste quelques mots qui je l’espère vous donnerons envie. L’auteur nous emmène à la rencontre de solitudes, la sienne et d’autres. Il traite les causes, les effets et la substance de celles-ci. L’écriture est grave mais jamais mélodramatique, je lui ai trouvé beaucoup de charme et de sincérité. A l’opposé de tout ce que l’on peut chercher dans un « page-turner », ce roman ténu saura séduire ceux qui préfèrent quitter la soirée à l’heure où d’autres commencent tout juste à s’amuser pour retrouver leur lecture en cours… Retrouvez nos chroniques ci-dessous

  • 26 octobre 2024 - On l'a fait ! On a tout lu, tous les lauréats du Livre Inter depuis 50 ans. Le Prix des Prix Livre Inter est décerné à Jean-Baptiste Del Amo pour Règne animal.

    Ils s'étaient donnés rendez-vous dans 1 an. Comme prévu, les membres du Jury du Livre Inter 2023 ont relevé leur défi fou,   lire les 50 livres Inter depuis la création de ce prix et élire le Prix des Prix ! Réunis le 26 octobre 2024 à Paris, ils ont âprement débattu pour choisir le grand vainqueur parmi les 8 finalistes. Figuraient dans cette liste : La petite marchande de prose  de Daniel Pennac, prix du Livre inter 1990 Sombre dimanche  d'Alice Zeniter, prix du Livre Inter 2013 Jacob, Jacob  de Valérie Zenatti, prix du Livre Inter 2015 7  de Tristan Garcia, prix du Livre Inter 2016 Règne animal , prix du Livre Inter 2017 Avant que j'oublie  d'Anne Pauly, prix du Livre Inter 2020 Attaquer la terre et le soleil  de Mathieu Belezi, prix du Livre Inter 2023 Aliène de Phoebe Hadjimarkos Clarke, prix du Livre Inter 2024 Il aura fallu 3 heures de discussions et 3 tours de scrutin très serrés pour choisir le grand lauréat de cette folle aventure, et c'est Jean-Baptiste Del Amo pour Règne animal, qui remporte le Prix avec 8 voix contre 7. Les jurés ont été subjugués par la puissance et la beauté de ce texte malgré un sujet difficile, les dérives d'une agriculture intensive au sein d'une famille dysfonctionnelle. Cécile M.   ne cache pas son étonnement face à " un jeune homme capable d'écrire à la Flaubert"   avec un sujet extrêmement contemporain. Bastien , pour qui ce sujet a raisonné avec sa propre histoire, a été emporté par la narration fluide s'écoulant sur presque un siècle, par cette " écriture très charnelle ". Il relève enfin la polysémie et la pertinence du titre, Règne animal ou plutôt fin d'un règne ? Delphine a ressenti très profondément la boue, la violence et a adoré cette saga familiale qu'elle qualifie de magistrale. Christian confesse sa conversion au végétarisme après la lecture ce roman qu'il a trouvé d'une très grande maitrise. Bernard se dit étourdi par la beauté de la langue magistralement maitrisée. Il souligne le fatalisme de personnages résolument attachés à la terre. Aucune échappée est possible, personne n'en ressort indemne, pas même le lecteur. Vincent , pour qui ce sujet avait tout pour le rebuter, a été saisi dès la première page et n'a plus lâché ce roman jusqu'à la dernière ligne. Ce roman est l'exemple qu'on peut faire quelque chose de magnifique avec un sujet très sombre. Il souligne enfin la réflexion que ce texte pose sur l'animalité. Pierre relève le parallèle entre l'humain et le monde animal. Une lecture qui n'est pas facile et qui se lit à hauteur de cochon ! Cécile H . a trouvé ce roman très documenté. Elle met en avant le pouvoir de la littérature à nous décrire et nous faire aimer des scènes qu'il nous serait insupportable de voir à l'écran ou dans la vie. Elle voit dans l'enfermement des personnages et ce côté résolument sombre, un message sur le déterminisme social. Pour Céline , ce roman est un tour de force qui explore l'héritage de la violence. Ce roman n'a laissé aucun juré insensible et c'est sans doute là sa plus grande force.

  • Au programme du samedi 14 septembre : l'amitié indéfectible entre un homme et son chien, un fils qui reçoit des sms de sa mère décédée, et une épouse qui ne sait quoi faire du cadavre de son mari !

    Son odeur après la pluie - Cédric Sapin-Defour Editions Stock Chronique de Céline : Soyons honnêtes, au départ, j'étais franchement dubitative à l'idée de lire ce roman, centré sur les 13 années de vie commune de l’auteur avec son chien. N’étant pas particulièrement fan des animaux, je craignais au mieux de passer à côté de l’histoire, au pire d’être agacée par un récit à l’eau de rose. Mais curieusement, dès les premières pages, j’ai senti que ce livre avait quelque chose qui pouvait me séduire. Et je ne me suis pas trompée. J’ai rapidement été captée par le ton et l’écriture de l’auteur. Une plume délicate, presque précieuse, qui a le mérite d’apporter de l’élégance et de la hauteur à un sujet qui, traité différemment aurait pu paraitre mièvre. Décalage accentué par le ton empreint d’autodérision de l’auteur. Il semble pleinement conscient de l’aspect un peu dérisoire que certains lecteurs pourraient trouver à son attachement quasi démesuré pour son chien. Mais il ne souhaite pas nous convertir. Il s’agit juste pour lui de raconter ce lien sincère et émouvant avec une lucidité et un regard tendre, parfois amusé. Et au fil des pages, ce qui me semblait n’être qu’un livre sur un chien et devenu bien plus : une réflexion sur la fidélité, l’amour inconditionnel, et cette capacité qu’ont les animaux à nous ramener à l’essentiel, à ce qu’il y a de plus humain en nous. Et à ma grande surprise, j’ai été émue, voire carrément attendrie par cette relation, qui ne m’est finalement pas apparue moins « estimable » qu’une autre.   Alors oui, je partais avec un a priori, mais je dois avouer que ce roman a réussi à me rappeler que nos attachements les plus simples sont souvent ceux qui nous bouleversent le plus et qu’il serait dommage de s’en priver. Je ne suis certes pas devenue une amoureuse des animaux, mais j’ai beaucoup aimé ce récit qui, au fond, parle autant de l’auteur que de son fidèle compagnon. Bref, un beau roman à lire, même (et surtout) si vous n’aimez pas les chiens ! Retrouvez nos 3 nouvelles chroniques sur notre Quai des livres :

  • Samedi 07 septembre : 3 nouvelles chroniques décapantes où il est question de western, d'enquêtes rock n' roll, et de célébration de l'enfance.

    Western Editions Stock Chronique de Delphine : Avec son Roman « Western », suivant le plébiscité « Feu » qui abritait déjà son élan féministe, nous offre un grand roman du monde d’après. Le monde d’après COVID, d’après confinements, d’après #metoo et surtout d’après des siècles du patriarcats que les hommes ont si souvent trouvés confortable de ne pas remettre en question. Mais ça c’était avant! Quid du « Western » me direz vous? La brûlure, le Duel, le désert, les codes, tous finement repensés à l’aune du récit. La brûlure est parisienne, le duel Mixte, le désert Lotois et les codes décortiqués à leur essence. Un exercice de style à la fois judicieux et drôle qui n’alourdis jamais le romanesque. Pour l’histoire, Il y a un homme, une femme, il est englué dans sa lourdeur et son ego, elle nage dans un monde où on ne lui laisse pas sa place lestée par trop d’injonctions et d’ambitions qui ne sont pas les siens. Ils vont tenter de fuir la fatalité et le drame qui arrive. Mais est-il encore temps? Gardez un peu place dans votre valise, vous ne le regretterai pas. Retrouvez nos 3 nouvelles chroniques sur notre Quai des livres :

  • Samedi 24 août, c'est la rentrée dans notre Quartier ! Et comme cadeau de reprise, non pas 2, non pas 3... mais 6 nouvelles chroniques !

    https://www.quartierlivres.com/quai-des-livres La foudre - Pierric Bailly P.O.L. Chronique de Marie C'est l'histoire de Julien, ou plutôt John, berger dans le Jura durant l'été, et vivant de petits boulots le reste de l'année. Julien est en couple avec Héloïse, ils n'ont pas d'enfants, et ont pour projet de partir vivre à la Réunion. Sa vie dans les montagnes du Jura, à la fois libre et simple, va basculer quand il tombe sur un article de presse qui relate le meurtre d'un jeune homme tué à coup de planche...sauf que Julien connaît le nom du meurtrier présumé, Alexandre, avec qui il partageait le même dortoir au pensionnat de son lycée. On se laisse vite embarquer dans cette histoire, Pierric Bailly parvient à éveiller la curiosité du lecteur, avec des va et vient entre le présent et le passé de Julien, le lien qui l'unit à Alexandre, et le personnage de Nadia, la femme d'Alexandre qui est au cœur de ce roman, et qui questionne et interpelle par son positionnement et sa personnalité. Le style de l'auteur est tout en simplicité et authenticité, un style direct, parfois familier, comme si le narrateur voulait nous faire entendre la petite voix de Julien, ses pensées, ses doutes, sans fioritures. La description du Jura, des estives, de la montagne rend ce roman vivant, et par moments on a envie de rejoindre Julien avec son troupeau de bêtes. Un très bon départ, mais suivi d'une petite déception dans le dernier tiers du roman... Comme si cette tension palpable tout au long des deux premiers tiers du livre, au lieu de se résoudre par un dénouement surprenant, tombait au contraire comme un soufflé, et se perdait dans une histoire finalement trop convenue, banale, et un peu décevante. Dommage, mais j'ai toutefois apprécié cette lecture, cette histoire captivante malgré tout, qui me donne envie de lire d'autres romans de cet auteur. Retrouvez nos 5 nouvelles chroniques sur notre Quai des livres :

  • Mercredi 10 juillet : 3 nouvelles chroniques - Birnam Wood d'Eléanor Catton, Python de Nathalie Azoulaï et Le convoi de Beata Umubyeyi Mairesse

    https://www.quartierlivres.com/quai-des-livres Birnam Wood - Eleanor Catton Editions Buchet Chastel Chronique de Pierre Des drones au pays des kiwis Ce qui m'intéresse peut-être le plus dans la critique littéraire, c'est l'auteur de la critique lui-même. « Donne-moi à lire ta chronique et je te dirai qui tu es ». Si tel est votre cas les amis, sachez pour commencer qu’en ce deuxième jour de (grandes) vacances scolaires et de second tour d’élections législatives, je suis assez impressionné à l’idée de devoir me frotter à l’exercice. Birnam Wood est le 3ème roman de l’autrice canadienne Eleanor Catton. Les luminaires, son deuxième, lui valut le Booker Price en 2013. J'ai consulté la liste des lauréats de ce prix récompensant les romans rédigés en anglais depuis 1969 et découvert qu'un auteur avait été primé deux fois : John Maxwell Coetzee avec Michael K, sa vie, son temps (1983) et, l'un de mes romans préférés, Disgrâce (1999). Je proclamai alors sur le champ ce prix "Référence interplanétaire quoiqu'un peu en-dessous du Prix du Livre inter" et décidai hic et nunc que Birnam Wood, conseillé par ma libraire de coeur, ferait l'objet de ma première chronique. Une petite alerte s’est pourtant déclenchée lorsque j’ai saisi pour la première fois le livre et découvert sa couverture au goût douteux, mais je décidai de n’y accorder aucune importance. L’intrigue se passe en Nouvelle-Zélande à Thorndike dans le Parc National de Koroway où l’on suit trois jeunes protagonistes d’une petite association écologiste « Birnam wood » qui implante des jardins bio dans des lieux en friche pour en distribuer la production. Notre bande de joyeux idéalistes va croiser le chemin du jeune et inquiétant milliardaire Robert Lemoine, co-fondateur d’un géant américain de la tech, fabricant de drones. Il s’ensuivra une affaire de gros sous et de dissimulation dont tout le monde ne sortira pas indemne… Un thriller psychologique donc. Arrêtons là le faux suspense, si vous cherchez un livre qui alimentera votre carnet de notes, passez votre chemin ; un livre au style flamboyant, allez voir ailleurs. Si Eleanor Catton peine à trouver son style et à planter le décor, elle est plus à l’aise pour dresser le portrait psy de ses deux personnages féminins, Mira Bunting et Shelley Noakes. On peut toutefois regretter que tout soit dit plutôt que suggéré, et qu’au bout du compte, on n’en sache pas beaucoup plus sur ces jeunes appartenant à la « Gen Z ». Pire, volontairement ou pas, l’autrice décrédibilise une génération qui serait prête à s’asseoir sur ses idéaux pour un pad thaï et un zeste de LSD ! Pour finir et n’oublier personne, je pense aux honorables lecteurs de transat, amateurs de romans-détente, qui trouveront avec Birnam Wood un thriller agréable et académique dont la fin risque malheureusement de les laisser sur leur faim. J’espère qu’à l’occasion de sa deuxième chronique, votre serviteur vous apparaîtra sous un jour beaucoup plus enthousiaste. En attendant je vous souhaite, amis lecteurs, des vacances riches de merveilleuses découvertes littéraires !

  • Samedi 29 juin : 2 nouvelles chroniques - Kaddour de Rachida Brakni et La petite marchande de prose de Daniel Pennac

    KADDOUR - Rachida BRAKNI Editions Stock Chronique de Sandra S. D’une fille à son père. Comme Colette quand elle écrit « Sido ». Qui peut lire Sido sans être à jamais imprégné de l’amour de Colette pour sa mère adorée ?Ici, donc, c’est pour un père. Ce n’est pas pour qu’il le sache, d’abord parce que maintenant qu’il dort sous la terre de Tipaza, un figuier à ses pieds, que pourrait-il y lire qu’il ne savait déjà, lui qui ne savait pas lire en plus. C’est aux yeux du monde, raconter cet homme, cet époux et ce père, toute la grandeur et les misères et la richesse et la magnificence de la vie de cet homme, travailleur immigré en France, de ce genre de travail qui vous arrache des doigts et vous brise les os et sans doute bien plus que ça. Aux yeux du monde, aux yeux de ce pays qui s’apprête à élire bientôt l’extrême droite, ce pays qui accepte, voire encourage le mépris envers les gens comme Kaddour Brakni. Dont une des filles a appartenu à la comédie française, jouait Victor Hugo, et est une des plus grandes actrices françaises. Un homme tranquille, tourmenté, secret, aimant qui à la naissance d’un de ses petits-fils pleure de joie et dit à sa fille pour l’arrivée de la petite sœur quelques années plus tard : « une fille, c’est toujours bien une fille, j’espère qu’elle sera comme toi ». Ce père, Rachida Brakni lui a écrit le plus beau des linceuls, le plus solide et le plus doux des linceuls, pour que la terre lui soit légère et pour que les mots d’une fille française qui a tant servi la langue de ce pays, rendent justice et célèbrent ses parents algériens.

  • La critique est divisée chez Quartier Livres. Découvrez notre 1ère BATTLE

    HUMUS - Gaspard KOENIG Editions L'Observatoire Regards croisés entre Cécile et Mathieu Mathieu a aimé... Humus a été beaucoup lu par les membres de Quartier Livres et diversement apprécié, nous avons donc choisi de lui accorder un traitement spécial. J’ai pour ma part beaucoup apprécié ce roman. L’auteur est essayiste et philosophe, cela infuse clairement Humus, ce qui s’avère pour moi un vrai plus. Au-delà de l’histoire vous trouverez un point de vu pertinent sur la contre-culture, le capitalisme et l’agriculture. L’auteur très érudit ne semble pas pour autant prendre le lecteur de haut, il sème des graines qui pourraient si vous le souhaitez, vous emmener dans des lectures foisonnantes sur les thèmes abordés mais ne laisse pas de côté le lecteur qui souhaitera une lecture plus légère avec ses deux sympathiques bien qu’un peu naïfs personnages principaux. Les quelques 400 pages se lisent vite malgré la tenue du roman, ce pourrait faire un très bon roman de vacances à lire sur la plage, le sable évitera la crise d’angoisse si vous n’êtes pas très sensible au charme discret des vers de terre. Ne vous laissez d’ailleurs pas décourager par cette thématique qui peut laisser beaucoup d’entre nous indifférents, on peut apprécier le roman sans se passionner pour le vermicompostage cher aux personnages. Pour être tout à fait transparent, j’ai quelques réserves sur l’humour du roman et le manque d’épaisseur des personnages féminins (pas très 2024…), mais ça n’a pas du tout gâché mon plaisir. Je recommanderais ce roman, ne serait-ce que pour le plaisir de toutes les conversations qu’il fera naitre avec vos amis lecteurs! Cécile un peu moins... Le destin des deux amis devient alors le plaidoyer de l’auteur contre un système de production intensif destructeur de l’environnement, contre le mépris de classe, contre les grandes écoles et leur novlangue déconnectée, contre l’entre soi, contre la finance et le cynisme des investisseurs, contre des gouvernants égocentrés, bref contre tout ce qui ne va pas dans le monde. Un plaidoyer grossièrement argumenté qui m’a vite agacé tellement il est pollué par la succession de clichés sur les pauvres qui veulent devenir riches mais sans en avoir l’air, les riches qui veulent devenir pauvres et estiment qu’ils ont bien droit au RSA s’ils vont sauver la planète, les chefs d’entreprise convertis au green washing … et j’en passe. J’ai trouvé les personnages stéréotypés – Kevin tellement détaché des biens de ce monde que même millionnaire il ne possède qu’un sac de couchage - froids, sans âmes, embarqués dans des situations caricaturales et peu crédibles – qu’il s’agisse du séjour dans la Silicon Valley ou de l’épisode final de l’insurrection simplement grotesque. Les personnages ne deviennent que des pantins influençables. On ne saura presque rien des hauts et des bas de leur amitié, sauf à la toute fin du roman. Même si les notes d’humour et le second degré sont bienvenus - vous croiserez Thomas Pesquet qui en prend pour son grade et l’auteur lui-même dans le rôle d’un essayiste mondain - elles ne sauvent pas le roman. Le récit hésite trop souvent entre la fable utopique et le réalisme et ne parvient pas à me convaincre.

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