Ecrit il y a plus de 70 ans, ce livre demeure d'une actualité brûlante
Cristal qui songe
Theodore Sturgeon
Genre
Science fiction
Résumé
Aimez-vous le cirque? On n'en a tout de même pas mis partout. Reste place pour un imbroglio où le sadisme défrise la passion de fort près. Mais dans cette odeur de cirque, l'«aura» poétiquement horrifique que vous percevrez avec délice ne va pas se dissiper sous quelque froide logique policière. Une fois la lumière faite sur l'énigme, vous y verrez bien moins clair dans votre propre vie. Et vous ne pourrez «jamais» plus lorgner un cristal quelconque sans une savoureuse petite angoisse
Citation
« Leurs rêves ne sont pas des pensées, des ombres, des images, des sons, comme les nôtres. Ils sont faits de chair, de sève, de bois, d'os, de sang. Et il arrive même que leurs rêves restent inachevés ».
Theodore Sturgeon
Theodore Sturgeon, de son vrai nom Edward Hamilton Waldo, est un écrivain américain de fantastique et de science-fiction.
Il fit ses débuts dans le genre fantastique en 1939. Il commença par écrire de nombreuses nouvelles destinées à des magazines de science-fiction comme Astounding Science Fiction et Unknown. Il écrira en tant que nègre un épisode des aventures du détective Ellery Queen, The Player on the Other Side (Random House, 1963).
L'oeil de votre chroniqueur.euse
C’est ma professeur de français en classe de 5ème qui est à l’origine de ma rencontre avec Cristal qui songe de Théodore Sturgeon. Elle en avait commencé la lecture en classe à haute voix. Cette œuvre marquante m’a permis de découvrir un univers de lecture inconnu et lointain, celui de mon père. La science-fiction. Dune était son œuvre de référence. Mais aussi et surtout, la description de la différence, sujet central de ce roman, m’a apporté un grand réconfort. Alors que j’ai quasiment tout oublié de mes années collège et lycée, à part un ennui abyssal, une fenêtre s’est ouverte sur d’autres champs des possibles. Depuis cette fenêtre, c’est une prof pas comme les autres, qui nous lit un livre pas comme les autres.
Je l'ai relu il y a quelques années. Il est intact. Je veux dire que je reçois le livre exactement de la même manière qu’il y a plus de 40 ans.
Hors cette question fondamentale de la structuration de la pensée et du souvenir qui est un sujet qui me taraude depuis fort longtemps, est abordée ici non pas au travers de l’échange mais d’un processus inégal (illégal) de prise d’otage par la parole dans une volonté de pouvoir et à des fins maléfiques de domination du monde. (La cachette, CQFD).
Un fantasme de bien des dictateurs de ce monde, mais aussi un processus que l’on retrouve à tous les échelons des rapports humains. Il suffit de rassembler plus de deux personnes autour d’une table et le tour est généralement joué. Mieux encore, jeter un oeil aux commentaires d’un post à propos d’un sujet brûlant de l’actualité. C’est vraiment pas beau à lire.
Sont abordés bien sûr la question du bien et du mal. De la normalité et de la différence.
Car si la domination commence par la parole, il n’est pas si sûr qu’elle en sorte victorieuse. Ce sont les nains, notre petit héros Horty, tous ces êtres différents qui développent une autre manière de communiquer, qui finiront par imposer leur vision du monde.
Oui, bien sûr, il y a une morale à ce conte fantastique peuplé de nains.
L’auteur interroge les rapports de force, la domination, la normalité et son binôme la différence. Et je vous jure, à la fin du livre, vous avez envie d’être différent, vous rêveriez d’être nain, de manger des fourmis comme Horty, vous voyez le beau en la laideur.Les codes sont bouleversés. Et puis les nains évoquent bien sûr l’enfance, Cannibale, de taille normale, l’adulte. Ok d’accord, il y a les gentils et les méchants mais ça fonctionne tellement bien.
Ce livre, Sturgeon l’a écrit en 1950. Il est vrai que c’est aux lendemains de la seconde guerre mondiale, mais le dernier paragraphe reste d’une actualité brûlante.