
Ce roman-gigogne tient à la fois du récit familial, de l'autobiographie et de l'évocation amoureuse d'une ville.

Brest, de brume et de feu
Philippe LE GUILLOU
Genre
Roman
Résumé
Ce texte est une plongĂ©e dans les archives dâune ville dĂ©truite par la guerre, Brest, et dans les trĂ©fonds dâun cĆur dâhomme, le narrateur â sans doute beaucoup Philippe LE GUILLOU. Il Ă©voque dans des tableaux lumineux qui empruntent Ă lâHistoire la beautĂ© dâune ville qui ne sâoffre pas si aisĂ©ment.
Citation
« Un samedi de juillet, dans la lumiĂšre dâune belle et chaude aprĂšs-midi dâĂ©tĂ©, [Fabrice] mâa proposĂ© dâemprunter le nouveau tĂ©lĂ©phĂ©rique qui, surplombant lâestuaire de la Penfeld, permet dâaccĂ©der au plateau des Capucins. Câest le Brest que nous aimons, avec un ciel pur, dĂ©gagĂ©, une mer trĂšs bleue, une transparence de lâair qui rend bien nettes et visibles les Ăźles de la rade et les lointains de la prequâĂźle, le Menez Hom et les pointes de Plougastel. »

Philippe LE GUILLOU
Philippe LE GUILLOU est romancier et essayiste. NĂ© au Faou dans le FinistĂšre, il devient professeur de Lettres, « passeur » comme il aime le prĂ©ciser, puis Inspecteur gĂ©nĂ©ral. Son premier roman Lâinventaire du vitrail paraĂźt en 1983. Suivront plus de quarante romans, rĂ©cits ou essais. Auteur prolifique, Philippe LE GUILLOU obtient le prix MĂ©dicis en 1997 pour Les sept noms du peintre et sera particuliĂšrement remarquĂ© pour Les marĂ©es du Faou (2003) ou Fleurs de tempĂȘte (2008).

L'oeil de votre chroniqueur.euse

Un brestois qui chronique un livre sur Brest ? Oui, peut-ĂȘtre y a-t-il une once de dĂ©terminisme, de chauvinisme ou dâinfini attachement Ă ce port ! Que lâon me pardonne ! Et pour cause : le roman de Philippe LE GUILLOU est lâoccasion de dresser le tableau splendide et lumineux dâune ville de bĂ©ton brumeuse qui dissimule ses beautĂ©s pour avoir Ă©tĂ© Ă©ventrĂ©e, retournĂ©e et rasĂ©e depuis le hissage du « drapeau, avec la croix gammĂ©e au ChĂąteau et Ă la PrĂ©fecture maritime » en 1940.
Ce roman est constituĂ© de deux longues parties qui reviennent sur lâhistoire dâune ville et, parallĂšlement, sur lâhistoire du narrateur. On dĂ©couvre tout dâabord « Gabriel », son grand-pĂšre, grand lecteur, Ă©lĂšve sagace repĂ©rĂ© par ses maĂźtres, qui choisira de quitter sa campagne pour rejoindre Ă pied Brest, ville de mer. De cet Ă©vĂ©nement premier dĂ©coule une narration qui met sur notre route diffĂ©rents personnages attachĂ©s Ă cette ville de bĂ©ton dont tout le monde aime apprĂ©cier la disgrĂące. Or, Brest est majestueuse parce quâelle souffre ses blessures : celle de la destruction, celle de la reconstruction malheureuse et trop amĂ©ricaine.
Si jâai apprĂ©ciĂ© ce roman, câest bien entendu parce quâil revivifie une histoire apprise. Mais câest aussi pour tout le reste. En excellent romancier, Philippe LE GUILLOU fait de Brest la toile de fond dâun petit théùtre du monde : sây joue lâascension sociale et culturelle de sa famille, sây produit sa premiĂšre rencontre amoureuse avec un « jeune homme des rivages de la MĂ©diterranĂ©e Ă©garĂ© dans les brumes de lâOuest », sây Ă©changent des rĂ©flexions dĂ©licieuses sur Proust et sur Genet, sây termine tragiquement lâhistoire de son amitiĂ© avec HĂ©lĂšne, sa « fleur de tempĂȘte ».
Je sais ĂȘtre attirĂ© par les rĂ©cits ou romans du souvenir, de la nostalgie poignante ou de la mĂ©lancolique heureuse. Aussi, ce livre mâa-t-il totalement emportĂ© dans les rues dâune ville que je connais bien et que jâai redĂ©couverte. Philippe LE GUILLOU construit un tombeau pour une ville disparue et donne le baptĂȘme Ă une ville nouvelle nĂ©e des cendres de ses murs (les dĂ©ambulations dans les Ă©glises et autres cathĂ©drales sont nombreuses). Il nous prĂ©sente les « ombres » de son histoire personnelle qui continuent de lâaccompagner ; et certaines dâentre elles nous bouleversent.
Enfin, en bon « passeur », lâauteur ajuste habilement ses mots, en vĂ©ritable orfĂšvre de la langue française : il sait magiquement sortir de son chapeau les imparfaits du subjonctif qui me manquent tant dans les textes dâaujourdâhui.