La Gosse - Nadia Daam
Chronique de Mélanie Lesoif
On a tous ces moments-là. Bof, pas très envie de bouquiner. Quand on vient d’enchaîner trois ou quatre déceptions littéraires à vingt balles l’unité, quand on traîne la patte pour finir le dernier Martin-Lugand qu’on attendait pourtant avec appétit. Désabusés. Même pas envie de parcourir les étagères pour dénicher un classique qu’on a aimé.
Puis un matin, au café, la collègue dit : il faut abso-lu-ment que je te prête le dernier Nadia Daam. Qui ? Mouais si tu veux. Le ciel est bas, gris. Même mai ne tient pas ses promesses. Bof. Mais ok. La collègue tient parole et ramène le livre dans sa besace l’après-midi-même. « Tu verras, je l’ai lu en deux soirs. Ça se dévore comme un bonbon », qu’elle glousse. Un rapide regard sur la couverture me fait soupirer. Vraiment bof.
Le soir quand même, je l’ai ouvert, pas curiosité. Sans grand intérêt. Et puis je ne l’ai pas refermé.
Nadia Daam, je ne la connaissais pas. Elle m’a pourtant parlé comme si on avait grandi ensemble. Comme si on était devenues mères en même temps, et qu’on avait échangé sur nos culpabilités, nos doutes, nos incompétences et nos fiertés de mamans depuis quinze ans. Comme si son ado de fille était la mienne. Son amour fou pour cet enfant, qui jadis avait poussé « un soupir adorable à en crever » et qui désormais se pavane devant le miroir sans complexe avec ses copines, est ce qui détermine le reste. Essentiel. Ça sonne juste, ça tonne fort, ça résonne longtemps après la lecture.
C’est une mère universelle, Nadia Daam. Une écrivaine de talent, qui touche en plein cœur et qui fait rire dans la même page. Son analyse affûtée de la féminité adolescente en 2024, la description de sa propre jeunesse sans voile et sans indulgence, sa perception de l’évolution des mœurs avec un regard vif, positif, enthousiaste mais jamais mielleux, et inquiet tout à la fois, est d’une finesse rare. La manière dont apparaît, entre les lignes, la conscience aiguë de ses propres contradictions est un délice.
Ces livres-là, ceux qu’on ne referme pas, qui nous suivent longtemps grâce aux réflexions qu’ils distillent, sont ceux qui nous relancent la machine en deux coups de cuillères à pot. Depuis j’ai retrouvé ma boulimie. Il ne fait toujours pas beau, mais je relis.
Mélanie LESOIF
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